L'État n’incitant plus à la scolarisation des enfants qu'à partir de l’âge de 3 ans, les communes vont donc devoir financer encore plus le développement des services à la petite enfance.
En cette rentrée, les articles foisonnant sur la toile démontrent à la fois le désarroi des familles et les interrogations des enseignants et des collectivités.
Je vais donc noter moi aussi quelques unes de mes interrogations et vous inviter à en débattre :
1.
QueQuestions de politique générale :
Il faut rappeler tout de même avant tout propos, que si la France a le taux de femmes le plus important au travail en Europe, c'est certainement aussi parce que nous avons une maternelle de qualité et une diversité des systèmes de garde.
Or aujourd’hui les mesures énoncées et annoncées par le gouvernement, mesures qui dérèglementent les modes d’accueil, notamment par un assouplissement du nombre d’enfants accueillis, sont des atteintes à toutes ces avancées.
De même que l’attribution de la gestion des structures d’accueil à des organismes privés lucratifs peuvent poser problème :
Comment les collectivités peuvent-elles contrôler la qualité de l’accueil et par exemple, l’égalité des accès à un accueil pour toutes les familles ? La formation des personnels ?
Si les collectivités font le choix de la délégation de service public, que privilégier? Les organismes privés ? Les modes d’accueil gérés par des associations ?
Les jardins d'éveil sont des structures payantes qui se retrouveront même au coeur des écoles maternelles.
2.
QueQuestions d’ordre social :
Comment font les familles habitant sur de petits territoires ? Le système D, avec le hasard des modes de garde plus ou moins de qualité ne sera-t-il pas encore le seul possible ?
Comment feront les femmes en recherche d’emploi et ayant de jeunes enfants ? Ne seront-elles pas tentées d’attendre l’entrée en maternelle, donc une année de plus ?
Dans beaucoup de familles, les deux parents travaillent avec un revenu moyen. La maternelle dès 2 ans est la solution la moins chère, tout le monde peut – il pas se payer une nourrice ?
Il n'y a certes pas de solutions à imposer à tous.
Chaque famille doit être libre de décider selon ses attentes et ses possibilités financières mais doit avoir un choix réel.
3. Questions d’’ordre éducatif :
Si on lit un extrait du rapport du Sénat qui a donné lieu à la création des jardins d’éveil, on peut y lire :
L'école maternelle s'adresse-t-elle aux enfants de deux ans ?
Les auditions réalisées par le groupe de travail du Sénat ont permis de faire converger les différents points de vue de spécialistes des questions éducatives autour d'un postulat que l'on peut résumer ainsi : tous les deux ans ne sont pas scolarisables et toutes les écoles ne sont pas prêtes à les scolariser.
Les structures d'accueil du jeune enfant doivent permettre une prise en compte des besoins affectifs et physiques ainsi que du rythme individuel de chaque enfant. Le rythme scolaire déjà peu adapté pour certains enfants l'est d'autant moins pour les deux ans.
Une classe de très petite section structurellement peu différenciée
Reposons-nous à présent cette question :
L'école offre t’elle un milieu adapté aux enfants de deux ans ?
Nous sommes plutôt d'accord sur l'énoncé des besoins et l'école maternelle s'est toujours efforcée d'y répondre.
Au regard de la spécificité de l'enfant de deux ans, ne convient – il pas aussi de s'interroger sur les réponses apportées par l’Etat, pour que l'école maternelle réponde aux besoins réels, en termes d'accueil, d'adaptation et d’apprentissages ?
Plutôt que de faire le procès d’une école maternelle a qui on n’a pas donné les moyens de fonctionner, en termes de propositions adaptées, de formation, de structures, ne conviendrait- il pas de modifier certaines approches ? Car ce qui se joue c’est le rapport au milieu scolaire.
La question de l’accueil et sa qualité, la question de la socialisation, la structuration du maillage territorial et la mise en synergie des différents acteurs (politiques et personnels de la petite enfance) la reconnaissance de l’enseignant comme indispensable au même titre que d’autres personnels spécialisés doivent conduire à préciser à nouveau le rôle et la place des différents acteurs de la scolarisation des très jeunes enfants.
Un enseignement ne peut être réduit à un ensemble de savoir-faire mesurés par des évaluations permanentes. La réussite sociale se joue aussi dans un contexte culturel que l’école doit initier.
Lutter au plus tôt contre les inégalités sociales dans un projet national, ne pas s’en remettre entièrement aux collectivités territoriales, assurer une continuité des temps de l’enfant et des approches, penser différemment la présence du temps de l’enseignant, voilà des pistes non exhaustives qu’on pourrait peut être développer et qui n’auraient pas pour seul objectif de réduire les dépenses de l’état.
Michelle Laurissergues