L’objectif est d’équiper les 21.300 classes de CM2 (Rapport du Haut Conseil sur le numérique, document accessible page d'accueil) avec des tableaux numériques interactifs, des unités d’ordinateurs mobiles, des ressources pédagogiques. Reste encore à faire en sorte que les équipements et les aménagements structurels soient réalisés au niveau des communes.
Le coût de l’opération est estimé entre 277 et 298 millions d’euros, devrait être financé à 70% par l’Etat et 30% par les communes.
Cette somme ne comprend pas la maintenance, entre 27,6 et 44,7 millions d’euros, restant à la charge des communes.
Elle ne comprend pas non plus l'équipement des autres niveaux de classe ni le coût d'une formation aux modifications pédagogiques que cela peut représenter en Education.
Les rapports, les préconisations se succèdent, cela finit par ressembler à un TIC (ne pourrait on d'aileurs aujourd'hui utiliser le terme de numérique à la place des NTIC, TIC et TICE...).
Si nous sommes persuadés du bien fondé de ses équipements alors à quand un plan ambitieux, articulé dans toutes ses dimensions et bien entendu planifié pour la France?
Plaçons en regard les préconisations de la commission européenne en matière d'Education:
Un groupe d'experts (parmi plusieurs consacrés à différents domaines de l'éducation et de la formation) des États membres de l'UE et d'autres pays européens se réunit régulièrement pour examiner
différents aspects de la formation des enseignants, parler de problèmes communs et échanger des bonnes pratiques.
En savoir plus sur ces séances d'"apprentissage en équipe" et les conclusions stratégiques sur lesquelles elles ont débouché dans les domaines suivants:
On voit bien que ces objectifs sont loin encore d'être opérationnels.
Plusieurs remarques à présent:
D'ordre économique :
Comment peut-on encore en ces temps de" rigueur" penser que de telles sommes seront consacrées à ces équipements ? Cessons donc de communiquer des préconisations. Les constructeurs et éditeurs se précipitent à juste titre chez Monsieur le Maire d'Elancourt pour proposer des expérimentations avec leurs nouveaux outils ou ressources dans les écoles de sa ville. Ils pensent avoir trouvé une oreille attentive et sensibilisée, une personnalité qui arrivera à convaincre...Pas si sûr!
D'ordre pédagogique:
Peut-être sommes nous en train de réaliser les dégâts que pouvaient occasionner un centrage sur la didactique au détriment du pédagogique.
Les IUFM ont été créées entre autre objectif pour élever le niveau de formation des enseignants...Mais l'analyse des pratiques pédagogiques, l'apport de la psychologie, le travail sur les conditions de la mise en place des apprentissages, le rapport aux parents d'élèves, la réflexion sur les incidences des nouveaux outils sur l'espace social et donc pédagogique, l'approche innovante de l'école maternelle, la notion de projet pédagogique ont fait la place à une approche didactique des contenus disciplinaires. Le niveau de concours a éloigné les enseignants qui auraient pu, au cours de leurs cursus scolaire connaitre ce que "difficulté scolaire" pouvait dire...
Nous avons d'excellents enseignants, mais sont-ils formés sur l'essentiel, c'est à dire la relation pédagogique?
La disparition progressive des enseignants des réseaux d'aide dans les écoles, la diminution des interventions des maîtres formateurs qui permettent de mettre en perspective la théorie et la pratique est aussi un élément déterminant.
Les centres de ressources et de documentation, indispensables à l'heure de la profusion de celles-ci sont affaiblis par des réductions massives de personnels et de crédits.
Toutes ces questions d'ordre structurel ne sont jamais expliquées pas plus que les enjeux d'une politique de petite enfance. Tous ces personnels, minoritaires n'ont pas de relais dans l'opinion publique.
D'ordre stratégique et politique:
Le choix d'équipement des enfants de CM2 montre encore une fois que les mêmes erreurs perdurent.
On introduit en cours de scolarité des outils qui doivent changer les modes d'apprentissage. Mais les élèves et les professeurs sont dans une autre logique depuis l'école maternelle.
Un équipement des petites classes ne permettrait-il pas de commencer pour une fois, par le commencement ? De plus, les formations ne pourraient-elles pas ainsi se réaliser en amont de
l'arrivée des outils?
Les fonctionnaires non remplacés peuvent partir avec le sentiment de leur inutilité. Ils n'étaient en rien utiles puisqu'il n'y a pas de continuité nécessaire. Il est évident pour une bonne gestion de service public que des postes soient fermés ou redistribués mais la règle comptable d'un fonctionnaire sur deux est incompréhensible et démobilisatrice.
L'élitisme est de plus en plus présent, la communication fait office de programme. On voit par exemple, la mise en valeur des internats d'excellence, d'équipements ou d'usages. Des saupoudrages ou des expérimentations çà et là ne peuvent en aucun cas définir un projet politique d'envergure.
Je crains par ces propos d'alimenter une ambiance colorée par le scepticisme et la morosité, c'est un propos qui reflète cependant un malaise grave qu'on ne peut sans cesse occulter.
Michelle Laurissergues,
présidente An@é