Faire venir les parents à l'école… pourquoi et pour quoi faire?
C'est une question récurrente depuis une trentaine d'années. Le concept de co-éducation inventé par la FCPE peine à se concrétiser et fait l'objet chaque année de recommandations et de circulaires dont chacun reconnaît l'inefficacité sans rechercher d'autres solutions.
On ne réussira jamais à progresser dans ce domaine si l'on se contente de répéter ce qui se dit depuis toujours et si l'on ne remet pas en débat quelques idées simples.
Pour résoudre ces problèmes récurrents, il faudrait adopter collectivement quelques principes et faire le point régulièrement sur leur application:
• Considérer les parents comme des citoyens dans leur dignité de citoyen et d'homme ou de femme, et non comme "parendélève" venant écouter les enseignants dans un rapport, qu’on le veuille ou non, de pouvoir. Les enseignants savent et disent aux parents ce qu'il faut faire. Ils leur demandent d'abord et surtout d'être des répétiteurs ou des sous-enseignants, des faiseurs de devoirs, ce qui est réducteur et souvent impossible
• Eviter de les faire venir dans une perspective exclusivement commerciale: recueillir des fonds pour compléter les financements des collectivités. Ces pratiques banales conduisent des parents à qui on refuse de faire du commerce dans les écoles (vente de petits pains, de billets de tombola, etc) à se fâcher et à demander à quoi ils peuvent "servir" s'ils ne rapportent plus d'argent à l'école.
• Eviter de ne faire venir les parents que pour entendre des jugements négatifs sur leur enfant et des recommandations ou injonctions qui situent l'enseignant dans le rapport de domination. Les conseils de classe, trop souvent insupportables pour les parents, doivent être repensés. Quand ils entendent un concert de lamentations : « le niveau baisse, les élèves ne travaillent pas assez, ils n’écoutent pas etc », quand ils écoutent le professeur déclarer : « dans cette classe, à part 5 élèves… les autres !!! » et qu’ils se demandent si leur enfant est dans les 5 ou dans les autres, ils auront quelques difficultés à revenir s’il est dans les autres… Le système des convocations et l’accueil dans le couloir les fait fuir…
• Faire de l'école et du collège des lieux de valorisation de la connaissance, des lieux d'échanges des savoirs. Ouvrir les locaux, multiplier les occasions de valoriser les savoirs appris à l'école, développer les ateliers parents/enfants dans le site informatique, à la BCD… afin que les parents s’habituent à venir dans les locaux des écoles et du collège pour autre chose que répondre à la convocation d’une enseignant. Il est choquant que ces équipements ne soient accessibles qu’aux publics scolaires pendant le temps scolaire.
• Valoriser les savoirs produits par l'école en multipliant les expositions sur les travaux réalisés par les élèves (pas seulement les plus beaux dessins), multipliant ainsi les occasions d'échanges entre parents et enfants et d'articulation entre les savoirs scolaires et les savoirs sociaux.
• Etudier avec les communes et avec les conseils généraux, les questions d'architecture des établissements pour proposer dans les groupes scolaires et les collèges, des lieux d'exposition, des lieux d'échanges, des petits amphithéâtres.
• Etudier également le problème de l'accompagnement et de l'animation de ces lieux de vie:
o sécurité et remise en état après les manifestations et après les utilisations des équipements spécialisés comme les sites informatiques et les BCD
o coopération entre l'établissement et les personnels communaux spécialisés chargés de l'éducation et de la culture
o aide aux mouvements d'éducation populaire qui trouveraient dans le cadre de nouvelles politiques concertées des occasions de jouer à nouveau pleinement leur rôle dans la construction de la société éducative.
• Revoir la question de l'accompagnement scolaire, de l'aide aux devoirs… qui excluent les familles et stigmatisent certains enfants. Il y a le problème du coût de l'accompagnement scolaire et il faudra garantir la gratuité. Il y a aussi les contenus de ces activités. On a tort d'avoir bonne conscience en organisant de l'accompagnement scolaire gratuit sans se préoccuper de son contenu. Il conviendrait même de s'intéresser aux contenus des activités, en accord avec les professionnels des apprentissages, avant de décider de les financer.
Un nouveau regard sur les rapports école/familles est indispensable si l’on veut réellement que l’éducation soit l’affaire de tous et si l’on veut réellement améliorer la réussite scolaire.
Pierre Frackowiak
On peut retrouver une partie de ce texte dans le livre de Pierre Frackowiak, préfacé par Philippe Meirieu : « Pour une école du futur. Du neuf et du courage » Editions la Chronique Sociale