Observer le comportement des voyageurs d'un wagon du Thalys entre Liège et Paris révèle, in-vivo, la réalité de notre société numérique.
Plusieurs enfants jouent avec des jeux vidéo ou écoutent de la musique.Six adultes travaillent ou s'évadent depuis leurs ordinateurs portables branchés sur les prises de courants et, sans doute, utilisent le wifi du train.
Au moins deux regardent un film, oreillette pour le son discrètement cachée dans l'oreille. Depuis leurs smartphones, pour ne pas nommer de marque, au moins trois voyageurs gazouillent. Deux, debouts pour ne pas gêner leurs voisins téléphonent dans l'entre wagon.
Enfin trois lisent journal ou livre, alors que d'autres dorment ou rêvent.
Tel est le constat, objectif, en se déplaçant dans un wagon bar pour aller se désaltérer d'une bière...belge, après avoir participé à la Chaire des Civilisations numériques à la Haute Ecole de la Province de Liège dont plusieurs interventions se trouvent sur le site.
Ainsi, virtuel, immatériel, dématérialisation, travail ou relations à distance sont bien notre réel.
Personne au cours des trois rencontres de Liège, d'abord avec le directeur de la RTC sur les médias télévisuels, puis au cours d'un déjeuner face à des décideurs éducatifs et entrepreneuriaux et aux participants du débat public ne conteste cette réalité.
Presque chaque élève, collégien, lycéen, étudiant, enseignant, personnel administratif, chef d'entreprise, citoyen, dispose d'un portable, téléphone, ordinateur, demain tablettes tactiles, et regarde encore la télévision sur un« téléviseur » et se précipite pour s'immerger avec la 3 D dans Avatar, un match de football ou de rugby.
Mais l'approche globale de cet écosystème éducatif numérique n'est pas aussi facile à appréhender face aux enseignants qui au fond, par leurs expériences, leurs habitudes et quelquefois leurs statuts doutent de la pertinence de plonger, lucides, dans la marmite du monde numérique.
Arrêtons de parler de TIC, de TICE, de multimédia, de nouvelles technologies de communications, termes datés et embarquons nous délibérément sur le front du "numérique", système mondial intégrant aussi bien les dimensions économiques, techniques, sociétales, comportementales, idéologiques et pédagogiques d'une société interconnectée en évolution permanente.
Utilisons pour l'éducation, avec sérénité, les outils que chacun use dans la vie « normale », tout en étant conscient que ces instruments génèrent de nouvelles difficultés – utilisations de données privées, viol de la vie privée, rapidité, crédibilité, sur émotion,...-face au rythme plus lent de l'acte de formation.
Dépassons l'opposition ou la cohabitation des deux systèmes pour, comme au judo, renverser la problématique et utiliser le numérique en phase avec notre société.
Les réseaux sociaux qui bouleversent notre quotidien ne peuvent que faire éclater le monde de l'éducation si nous nions cette réalité. Au contraire, utilisons-les et ainsi, sans doute, montrons-en les limites en continuant de toujours placer l'éducation comme fonction centrale de notre démocratie.
Intégrer le numérique comme élément fondamental de la formation c'est en ce XXI siècle ne pas s'affaiblir mais agir au service de nos concitoyens.
Gutenberg utiliserait aujourd'hui avec délectation ce jeune système, matrice d'un monde en révolution !
Marcel Desvergne
Président AEC