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Evolutions du statut des ressources, évolutions des compétences des enseignants.

 
Yves Ardourel,
 Maître de conférences en Sciences de l'Information et de la Communication.
IUFM Midi-Pyrénées

 

Cette réflexion se situe dans la perspective de la formation des enseignants. Les évolutions introduites par le numérique ont des conséquences importantes en terme de pratiques pédagogiques et de compétences pour les enseignants. Deux évolutions majeures vont nous permettre de repérer ce qui est nécessaires de développer chez les enseignants et les élèves pour réellement envisager une généralisation des TICE.

Première évolution : de la rareté à la profusion des ressources.


Notre société n'a pas fini de prendre la mesure de cette évolution majeure. Lorsque l'on parle d' « ère du numérique », l'expression est bien choisie : la période sera longue et tout investissement dans l'expérimentation et la réflexion ne sera pas inutile. Ce passage de la rareté à la profusion modifie radicalement les compétences nécessaires pour trouver les ressources, pour les lire et les classer. L'enseignant doit non seulement pour lui même développer de nouvelles stratégies de lecture et de recherche documentaire, mais il doit amener les élèves à mettre en œuvre ces stratégies. Il y a là toute une action pédagogique à conduire, qui ne peut pas s'appuyer exclusivement sur la seule pratique personnelle de l'enseignant ; la didactique des TICE est encore largement à construire. Au cœur de cette réflexion pédagogique, une question apparaît : elle dépasse le problème souvent évoqué de la fiabilité de la ressource et des informations apportées ; il s'agit de la pertinence de la ressource. Pertinence, c'est à dire « ce document, est-il bien adapté à mon but, à mes objectifs, à mon projet ? ». On peut devenir un bon utilisateur des moteurs de recherche, il est moins facile de devenir compétent pour déterminer la pertinence d'une ressource par rapport à un objectif donné.

Autre évolution majeure : la lecture des ressources numériques passe par des machines, et souvent par l'intermédiaire d'écrans.


Même s'il y a des imprimantes et des sorties papier, le rapport à la machine est inévitable lorsqu'on est confronté à l'usage des ressources numériques. Une machine s'intercale et s'insère dans l'activité pédagogique ; elle réclame des compétences techniques mais plus encore des compétences organisationnelles et une réflexion pédagogique. Comment maîtriser ce que modifie ces « machines à communiquer » dans le rapport aux savoirs et dans l'appropriation des connaissances ? Comment mettre en oeuvre une pratique avec ces outils qui ont leur logique, leur poids, leur présence ? Tous les enseignants savent combien il est difficile d'organiser une séance de classe avec 25 enfants et 25 machines.


Un autre problème est posé par la présence paradoxale et banale des écrans ; l'écran dans le contexte des ressources numériques n'est pas synonyme d'obstacle mais au contraire il doit être celui qui donne à voir, fenêtre sur des mondes à découvrir. Comment prendre en compte cette médiatisation croissante des connaissances dont l'écran est le signe ? La pratique des ressources numériques positionne l'enseignant comme médiateur et celui ci doit savoir mettre en œuvre des logiques de médiation. Il s'agit de ne pas abandonner l'enfant, l'élève ou l'étudiant seul face à l'écran ; une tentation d'autant plus grande que les ressources proposées sont intéressantes, bien réalisées et pédagogiquement pensées. Le risque serait que l'enseignant dise « je n'ai pas besoin d'être là ». La médiation enseignante est indispensable mais d'autant plus difficile à gérer que les ressources sont de qualité.

Pour compléter ces deux aspects des ressources numériques, il est à noter que le numérique met à disposition de chacun les méthodes et les outils de la production et de la diffusion de ressources.


Que ce soit avec une caméra, un traitement de texte ou des pages HTML, pour des présentations assistées ou des sites WEB, des élèves, convenablement accompagnés peuvent faire l'expérience de la production et de la diffusion. Ils sont alors confrontés à de nouvelles écritures. Si on reconnaît que c'est aussi par l'écriture que l'on apprend à lire, pour entrer dans les nouvelles lectures associées aux ressources numériques, il faudra oser consacrer le temps nécessaire pour apprendre les « écritures numériques ».
Les trop nombreux enseignants qui hésitent à travailler avec les ressources numériques, posent souvent la question du temps à consacrer à ces nouvelles pratiques. S'il n'y a pas un tel engagement, il n'y aura pas de lectures efficaces. La banalisation des ressources numériques ne garantit pas l'acquisition des compétences pour les lire et les utiliser. Quoi de plus banal que la lecture classique dans un livre en papier, pourtant on y consacre avec raison beaucoup de temps dans nos écoles. Pourquoi n'y aurait-il pas ce temps consacré aux lectures et écritures nouvelles ? Préparer les enfants d'aujourd'hui à l'ère du numérique n'est pas une question de mode mais un enjeu citoyen.

Je terminerai par un paradoxe : une des conséquences de cette profusion de ressources et de machines, c'est le repositionnement de l'oral.

 

 Les programmes officiel le notent ; il est absolument nécessaire de faire acquérir à nos élèves les capacités à organiser des discours, à mobiliser sa voix et ses gestes pour présenter un travail ou pour proposer un projet. Plus il est facile de produire des documents de qualité, plus il est important de pouvoir les défendre et les valoriser par la parole.

On porte avec raison une attention à la qualité pédagogique des ressources qui sont mises à la disposition des enseignants et des élèves. Il faut avec autant de soin, s'attacher aux compétences que l'enseignant médiateur doit déployer pour que ces ressources, ce flot de savoirs, soient profitables aux apprentissages, et utiles à la construction d'une personnalité libre et créative.

 
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