La lettre d'infos du 1er octobre 2020
Comment l’éducation peut-elle répondre aux questions fondamentales du XX1ème siècle ? Comment donner les bases permettant à la fois de comprendre et décrypter les enjeux politiques, économiques, environnementaux, culturels ? Voici des constats, analyses et propositions, quelques scénarios pour demain dans la sphère scientifique mondiale…Ils posent les questions de nos choix, de nos moyens d’agir, d’anticiper.
Quelle adhésion aux valeurs démocratiques dans l’école républicaine ?
La massification des systèmes scolaires depuis les années 1960 a été portée par trois promesses. L’école démocratique de masse devait être plus juste et moins inégalitaire que la vieille école républicaine. Cette école devait aussi développer les compétences, favoriser la croissance et être utile à tous les élèves. Enfin, elle devait favoriser la confiance et l’adhésion aux valeurs de la démocratie. François Dubet, professeur émérite à l’Université de Bordeaux et directeur d’études à l’EHESS et Marie Duru-Bellat, professeure émérite à Sciences Po-Paris, proposent de tirer les leçons du long processus de massification, et le bilan est pour le moins nuancé.
Interview de François Dubet
" Il y a une singularité française, celle de la très forte emprise du diplôme sur l’accès à l’emploi. Hors du diplôme point de salut, et tout se passe comme si le mérite scolaire écrasait toutes les autres formes de mérite, ce que beaucoup vivent comme une humiliation que l’on traîne tout au long de sa vie. Cette forte emprise des diplômes est d’autant plus discutable que les inégalités scolaires sanctionnées par les diplômes sont beaucoup plus grandes que les inégalités de compétences que les individus mobilisent dans la vie quotidienne et au travail. Là encore l’école en « fait trop ».
Il faudrait revoir les liens entre les diplômes et l’emploi, multiplier les modalités de formation en apprentissage, en alternance, permettre les va et vient entre l’emploi et la formation. Bien des pays y parviennent mieux que le nôtre parce que le mérite des individus est moins fixé sur leur diplôme.
Alors que l’école républicaine jouissait d’une certaine autorité culturelle, celle-ci n’a cessé de décliner chez les jeunes, y compris les bons élèves, qui passent plus de temps devant leurs écrans que devant le tableau noir.
Aujourd’hui la découverte du monde et de soi passe plus par ces médias que par l’école, et il ne sert à rien de le dénoncer. Quand on regarde les choses de plus près, l’école n’entraîne une forte adhésion aux valeurs démocratiques que chez les vainqueurs de la compétition scolaire, ceux qui ont fait les études les plus longues, les plus sélectives et les plus rentables. A l’opposé, les vaincus sont tentés de rejeter les valeurs de l’école qu’ils perçoivent comme une forme de mépris et de domination ".
Les vulnérabilités de la méritocratie scolaire
Monique Dagnaud, Directrice de recherches à l'EHESS pose la question des jeunes face à l'emploi :
" Crise de l’emploi, fermeture ou contrôle des frontières, et un lot d’incertitudes face à un risque sanitaire que l’on maitrise mal : la covid pose un véritable défi aux jeunes entrants sur le marché du travail. Pour une fois, cette situation de précarité face à l’emploi englobe l’ensemble des vingtenaires.
Alors que la méritocratie scolaire s’impose objectivement comme le cyclotron des positions sociales, elle a perdu de son éclat, de sa force d’exemplarité tant, dans la psyché contemporaine, elle est confondue avec l’idée de détermination par le milieu social d’origine. Elle est vue et dénoncée comme un faux semblant, une notion hypocrite, puisqu’elle ne devrait presque rien à l’effort réel et tout à la chance de naitre dans un univers culturellement privilégié. Des décennies d’analyses bourdieusiennes ont donc abouti à éroder le prestige du bon élève. Dans la doxa journalistique, et plus largement dans les représentations, la méritocratie scolaire est souvent associée à l’image de l’élite, à celle de la domination sociale, et donc à tout de ce qui, dans le monde d’aujourd’hui, soulève bruits et fureur. "
Un autre modèle pour l’école n’est-il pas désirable ?
Ninon Louise Le Page : " Notre héritage historique, longtemps considéré comme acquis, n’est plus une évidence aujourd’hui. Il n’est plus forcément adapté à notre époque, à notre société et à ses nouveaux défis pédagogiques
Un système d’éducation pyramidal où un niveau scolaire ne sert qu’à acquérir les connaissances jugées essentielles au passage vers le niveau supérieur. Un système d’éducation centré sur les apprentissages disciplinaires, disciplines issues de l’accélération du développement de toutes les sciences qui a caractérisé le 20ème siècle.
Notre époque est différente. Nos avancées scientifiques sont souvent de nature holistique afin de répondre aux enjeux politiques, économiques et environnementaux de sociétés post-industrielles submergées d’informations.
De plus, aujourd’hui en 2020, les universités débordent et trop nombreux sont les diplômés qui ne trouvent pas d’emplois dans leurs domaines de formation.
L’école qui pour notre génération a été la source de tous les savoirs, est maintenant largement dépassée. Quiconque bénéficie d’une solide culture de base, peut compléter ses connaissances par la foultitude de références disponibles sur le WEB. Chacun y trouve réponse à ses questions et même nourriture à tous ses fantasmes."
Allons chercher du côté des évolutions technologiques de la société pour essayer d’imaginer quelques scénarios du futur.
Les Signaux numériques 2020 : un anniversaire virtuel, mais riche sur les tendances à venir.
Comment appréhender au mieux les changements profonds de notre société numérique ?
Depuis plus de 10 ans, le pôle de veille et prospective de la technopole Unitec suit et analyse les grandes évolutions technologiques et sociétales afin de permettre à tous d'appréhender au mieux ces changements profonds. Nouvelle décennie, monde post COVID, les grandes tendances de l’innovation baignent cette année dans un fort environnement de science-fiction : voitures volantes, interfaces cerveau/machine, monde cloné dans le virtuel…
Signal 1 - Les interfaces hommes/machines (IHM) : un domaine qui se vocalise
La voix fait son entrée en force parmi les interfaces de consultation du numérique. Enceintes connectées, haut-parleurs intelligents, assistants virtuels s’interrogent vocalement. Déjà 20% des recherches sur Google se font de la sorte et la moitié des ménages seront équipés d’ici 2022.
Signal 2 - Le Neuromarketing
Comment cartographier le cerveau pour permettre aux agences de marketing de délivrer les bons messages pour déclencher les actes d’achat des consommateurs. L’objectif est de déterminer le bon prix d’achat ou bien éviter des échecs commerciaux.
Signal 3 - L’AR Cloud ou le Nuage de réalité Augmentée
Il s’agit d’une copie numérique 3D persistante du monde réel pour permettre le partage d’expériences en réalité augmentée entre plusieurs utilisateurs et appareils. Les applications possibles : proposer en réalité augmentée – à travers des lunettes – le mode d’emploi animé d’une machine ou bien des informations / avis en temps réel sur un lieu, restaurant, magasin, etc.
Signal 4 - Le jumeau numérique
C’est une réplique numérique d’un objet, d’un processus ou d’un système qui va être utilisé à des fins de tests, simulations, optimisations (ex : Simuler un chantier pour optimiser les étapes de construction, reproduire le réseau de transport d’une ville pour étudier et optimiser les travaux sur une ligne de tram, recréer un organe humain virtuel pour tester des médicaments).
On peut sur ce reportage en voir un exemple : https://www.educavox.fr/accueil/reportages/la-region-nouvelle-aquitaine-un-territoire-d-innovation-et-d-experimentation-en-matiere-de-numerique-educatif
Retour sur le forum Netexplo du 22 septembre : Terramorphose
Le Forum : toutes les vidéos : https://netexplo.com/fr/video/channel/13/
Comment lutter et évoluer pour notre survie ? trois voies d’exploration qui s’appuient sur le levier scientifique
Voir la vidéo avec Sandrine Cathelat
Nous pouvons nous poser la question de nos choix. Avons-nous les moyens de comprendre ce qui se joue ? Avons-nous les moyens d’agir ? L’urgence est signalée dans cette vidéo comme un facteur de réussite par Sandrine Cathelat qui souligne également l’incapacité que l’on a d’anticiper. A écouter et à méditer dans toutes les dimensions ! Netexplo précise sur son site : Ces perspectives infinies demanderont toujours plus de décryptages, de mises en perspectives et de prospective ; De repères, de critiques, d’accompagnement… A débattre et à suivre, assurément…
Michelle Laurissergues